Lili la Noire, elle vit en vrai et aussi elle est dans nos imaginaires. On la trouve plutôt jolie, c’est ta fille, ta mère, ta grand-mère, ta pote, elle n’a pas d’âge et pas de couleur. Enfin si, c’est dit dans son surnom, elle est noire, elle est du côté des subalternes et elle ne se laissera pas faire.
Son monde est presque comme le nôtre, presque.
Lili la Noire aide à regarder les choses qui nous arrivent, à lire entre les lignes, à voir les images cachées.
Elle en a gros sur la patate suite au 1er mai d’hier.
Voilà ce qui s’est passé.

« Le 1er mai, tu fais ce qu’il te plaît ».

C’était comme ça dans le monde d’avant. Lili le sait. Mais hier, pour la première fois de sa vie, elle a pas pu. Ne pas faire ce qui lui plaît à Lili, le 1er mai, c’est pas juste un problème d’occupation du temps. Pas juste une question de tradition. Même pas une affaire de principe. Non Lili, elle, elle considère qu’hier, il y a eu un effondrement. Un fracture irrémédiable dans le mouvement humain. Et depuis hier soir, elle a mis, sur le monde d’avant, le générique de fin.

Ça lui revient comme un flash-back d’il y a bien longtemps, toute petite déjà, la chauffe s’arrêtait ce jour-là. Lili c’était « une noire », comme on disait. Les noirs dans ce pays-là, y’en avait de trois sortes : ceux qui vivaient sous terre, ceux qui habitaient la forêt, ceux que les autres appelaient les nègres. Les deux premiers perdaient leur vie à faire du charbon. Les derniers donnaient leur vie tout court, et le plus souvent en fait, on la leur prenait. 


Tous étaient noirs de peau et aussi tout en bas des prix attribués aux humains de ce monde-là, juste à côté des outils en solde. Ils avaient de la valeur, comme un burin solide, un soufflet de forge ou une charrue, un cheval de trait docile… Les terriens faisaient chauffer l’eau, le soir, et la versaient dans une grande baignoire, ils s’y mettaient à deux pour frotter l’haleine de la terre qui brunissait même l’intérieur de leur âme. Les forestiers se lavaient peu, là-bas, il n’y avait pas d’eau. Le souffle des braises leur faisait un teint brouillon, qu’ils ne voyaient pas vraiment, puisqu’ils vivaient surtout la nuit, pour surveiller que le charbon charbonne, sans brûler toutefois, pendant des heures, des jours, des semaines, au risque de tout perdre. Les derniers lavaient leurs mains cinq fois par jour, leurs pieds, leur bouche, leurs yeux. Ils considéraient qu’ils se mêlaient au monde comme ça, en laissant des petites portes propres à tout ce qui voudrait y entrer. Ils avaient une peau luisante et plus unie que les deux autres. Leur noir à eux n’était pas celui de la frayeur souterraine, ni celui de l’agonie des arbres, c’était le front fier de leur père et le sein chaud de leur mère. Et pour ça, on leur mettait des chaînes : au charbon comme les autres !

Lili était née dans la forêt. Sa mère avec son homme y était entrée grosse un matin, pour couper du bois et trimer. Ils étaient trois en ressortant ce soir-là.
Le premier jour de sa vie, Lili avait attendu la fin du boulot au pied d’un arbre, elle avait pas pleuré, elle avait vite compris que ça ne servait à rien. Elle était rouge Lili ce jour-là, du sang caillé sur elle. Lili la Rouge est devenue Lili la Noire dès le lendemain. A 4 ans, elle prit son premier poste, au charbon. Et chaque 1er mai, Lili se lave, cueille du muguet et fait ce qui lui plaît.
Ce qui lui plaît Lili, c’est d’aller voir les autres noirs. Parce qu’on ne se mélange pas, dans le monde d’avant… Mais elle, elle voudrait. Elle voudrait que « les Noirs se regroupent en majuscule » comme elle dit. 

Le 1er 1er mai qu’elle se rappelle, c’est celui où elle a rencontré Camel. Elle l’avait vu déjà, une ou deux fois, de loin. Elle avait quatre ans. Elle cueillait du muguet et il s’est approché : 

- « Tu n’as pas peur de moi toi ? »
- « Ben non, dit-elle, t’es noir comme moi. » 


Il a approché son visage et Lili n’en revenait pas. Il devait avoir fait beaucoup de charbon lui ! Elle a mis sa menotte sur la joue de Camel et elle a frotté. Lui, mort de rire :

« mais non, moi ça s’enlève pas ! ».


C’est la première fois que Lili a pris conscience qu’il y avait « des Noirs » et pour elle, le monde s’est soudain élargi. Les possibilités de sortir de ce bourbier devinrent immenses. Camel lui avait raconté qu’un jour, un homme blanc en le croisant l’avait traité de sale nègre. Lui impassible et sans s’énerver avait fait demi-tour, avait chopé le mec par le colbac et lui avait enfoncé la tête dans un bac à fleurs :

« Tiens, comme ça, tu es de la même couleur que moi ».


Lili avait ri. Elle s’est dit ce jour-là que la meilleure technique c’était celle-là, changer la couleur des gens, les faire devenir noir. Elle décida donc, à quatre ans, que le 1er mai serait le jour de son grand projet : apprendre à noircir les gens, en s’alliant avec les plus noirs de tous.


Marche petite, marche, trouve les trois formules qui feront pousser la majuscule. 


Camel lui a parlé du 1er 1er mai de sa vie. C’était aux Etats-Unis. Bien après le Black Friday.
Pas de Blacks comme lui dans ce Black Friday, c’est pas qu’ils n’avaient rien à revendiquer, ni qu’ils étaient satisfaits de leurs conditions, non, c’est juste qu’on les tuait s’ils levaient le petit doigt. On les tuait comme des chiens, ils n’avaient même pas les égards qu’on faisait aux chiens. Son 1er 1er mai à lui c’était 1966, dans les quartiers populaires, peuplés de Blacks comme lui, ils en ont eu marre de mourrir. Alors ils se sont organisés, ils ont monté des écoles pour les enfants qu’on n’accueillait pas dans les écoles des Blancs, ils ont organisé le soutien alimentaire pour tous les pauvres qui mourraient de fin à cause des lois d’exception contre les Noirs, et ils ont provoqué l’opinion public en se montrant avec des armes de guerre dans les mains, parce que seuls les Blancs étaient autorisés à porter des armes… pour tuer les Noirs.

Lili n’imaginait pas ça. Des petites filles, noires comme elle, enfin pas comme elle mais presque, ruées de coups au sol par un énorme flic qui vide son flingue. Elle trouve ça dégueulasse Lili, depuis qu’elle a quatre ans. Elle aime pas les flics, c’est devenu épidermique. Surtout elle apprend ce jour-là comme elle est longue la lutte pour être libre. Camel lui apparaît à chaque instant pour lui rappeler pourquoi elle ne va pas se taire, pourquoi elle va refuser maintenant, pourquoi elle ne lâchera rien. 

Parce que se résigner devant une injustice, c’est les cautionner toutes.  


SE MANIFESTER !


Son initiation avait commencé. 


Marche petite, marche, trouve les trois formules qui feront pousser la majuscule. 


Un 1er mai, Lili s’était perdue dans la forêt… elle arrive au milieu d’une clairière, une drôle de maison de courants d’air. Elle voit une vieille, avec des chiens énormes et des pigeons en vol stationnaire. Alice, elle travaille comme un homme, elle boit comme un homme, elle résiste à tout. Elle refuse tout, et notamment de soigner ses dents. Quand ça lui fait trop mal, elle les arrache avec la pince à cochon. Elle n’en avait plus beaucoup, des dents, quand Lili l’a rencontrée.

- « Tu bois quoi, pastis, whisky ? Chez l’Alice, c’est gratis ! »
- « Euh un p’tit verre de vin », Lili avait 9 ans…


Ça lui a tourné la tête le vin, forcément. Alors elle ne sait plus bien démêler Lili, le vrai du rêve, ce qu’elle a fait ou ce qu’on lui a dit. Il lui semble voir Alice faire chanter ses poules et s’envoler sur le dos d’un lapin, un soir de lune ronde… elle se rappelle du petit arbre devant sa porte, dans un pot. Un houx. Alice l’a trouvé un 1er mai, un amoureux caché voulait lui dire qu’elle était son genre, mais trop piquante quand même à son goût. Alice le gardait comme un trophée, un arbre de liberté. Même si en secret elle aurait plutôt aimé un pommier et des petits marmots tout ronds à croquer, comme les autres filles bien rangées à qui on venait chanter le mai.  

Chant de mai, Emile Pisseloup de Saint-Sernin-du-Bois, 1979

Alice pleurait quand elle vendait ses moutons, elle laissait entrer sa vache dans la maison, elle avait même congelé Robert, son choucas qu’était mort trop jeune, pour pouvoir lui faire un bisous de temps en temps. Elle avait la main rêche, la voix rauque et un cœur d’artichaut. Toute sa force venait de là. Son amour, elle le tournait en colère, en volonté, en pouvoir… comme sa tristesse. Elle était si forte qu’elle aurait pu changer la mer en vin. C’est vrai que le temps des cerises est celui du soleil au cœur… 

« Y’a quelque-chose entre l’amour et la révolte, se dit Lili, 
ça se passe le même grand-soir : planter un mai pour celle
 qu’on aime et voler les riches pour plus de justice ».


Oui, aux côtés d’Alice, Lili avait volé. A Epinac-les-Mines, la nuit du 30 avril, quand tous étaient endormis, avec les autres gamins elle accompagnait la vieille dérober les objets dans les jardins pour les apporter sur la place publique. Petit larcin pour empêcher à ceux qui ont des biens de dormir tranquille. Petite humiliation du transfuge pour qu’il n’oublie pas d’où il vient. Petit avertissement souterrain que dans le monde des Noirs, c’est grande folie de dormir sans souci.

-« Hey Lili, je t’aime bien, mais faudrait rentrer chez toi quand même, 
ça fait au moins cent ans que t’es là. Ils vont s’inquiéter là-bas ! Allez du vent… »


Cul-par-dessus-tête au beau milieu du chemin, elle était encore tout éberluée Lili, mais un truc lui avait laissé une empreinte indélébile. Comme la plaie d’un couteau. La blessure qui saigne toujours pour dire, pas de force aux cœurs secs. La lutte et l’amour se protègent l’un l’autre comme deux chats qui se font mutuellement la toilette. 

Pour être des Noirs majuscules, faut s’entre-aimer, pas un peu, pas beaucoup, pas passionnément, mais comme des fous.
Sinon on se fera toujours récupérer.


AIMER LES FOUS !


La v’là qui grandit. Elle sort un peu de son trou, descend de sa montagne.


Marche petite, marche, trouve les trois formules qui feront pousser la majuscule.


Dans un tripot enfumé et plein de testostérone, Lili organise des complots. Elle kiffe. Elle a changé de méthode. Elle vieillit alors en rassemblant, elle gagne du temps. Ygor, gars discret et radical, grand érudit libertaire du local, en sweat à capuche, parle d’une bande. C’est son grand-père à lui qui lui a dit :

« Les vieux, y f’saient les réunions dans les bois ! C’est pas d’blague ! » 


Lili, ça lui cause la forêt, elle en vient, pis une bande, des explosions… Aucune mouche n’ose voler. Igor reprend.

« Pendant trois ans, ils secoueront l’ensemble du bassin minier au rythme des dynamitages de croix, 
d’édifices religieux et de domiciles de petits chefs à la solde du patronat.
A partir de 1882, l’anarchisme n’est plus seulement une affaire d’intellectuels, 
c’est aussi l’œuvre des ouvriers eux-mêmes, ceux de Montceau-les-Mines. 
Voici leur signature : Bande noire »


On croirait qu’il parle du futur ler mai Igor, c’est marrant ça, se dit Lili, pourtant Igor habite le passé comme personne… c’est peut-être ça le truc, faut des facteurs, des conteurs de guérilla, pour faire persister l’esprit de lutte.
En 1881, ça gronde déjà et la panique arrive chez les bourgeois :

« En 1878, une grève générale éclata et suspendit les travaux pendant quinze jours. (…)
Ils (les grévistes) demandaient une diminution de travail, une augmentation de salaire
et la gestion de la caisse de secours par les ouvriers. (…)
Depuis cette grève, les élèves ont été insupportables, surtout à Montceau, à Blanzy et au Bois-du-Verne.
N’entendant que malédictions et menaces dans leurs familles contre les riches, 
les patrons, les curés et les frères, ces jeunes radicaux croient être débarrassés de tout respect, 
de toute discipline, des prières, des offices et du catéchisme. 
Les explications données sur ces derniers points font sourire les plus grands, 
ils se croient déjà libres-penseurs et se sentent soutenus par leurs parents. »


Ils se sont moqués de leurs grèves, ils ont récolté leur colère. Dans le bassin minier, c’est bien avant le 1er mai que le Grand Soir est arrivé. La nuit du 15 août 1882 est une nuit d’émeute. La Chapelle du Bois-du-Verne explose et brûle. Et les émeutiers chantent avec cœur.

En avant prolétaires
Combattons pour la révolution
Chagot, Henri Schneider
A la bouche de nos canons ! 

Ça s’installe, toute la France les regarde, le clan des Lyonnais les soutient. Ça fait du bruit, ça fout une pression d’enfer au patronat, jusque-là monarques absolus, ça agite le peuple, le pays des terriens tremble pendant trois ans.
Mais voilà, y’a un mouchard, acheté par la police, les curés et les patrons, un mec au cœur sec et au ventre creux. Ajoutez de la manipulation médiatique et une justice partisane… c’est le carnage. Dix accusés écopent de lourdes peines. La punition des renégats qui perdent leur emploi, la mise au chômage partiel, la mise en place d’un service de renseignements, la surveillance généralisée par la création de sociétés de loisirs, une répression terrible qui dure des années. Il s’agit d’annihiler le souci d’émancipation de la classe ouvrière. C’est la terreur patronale dans le bassin minier. 

Alors que des milliers d’ouvriers en France manifestent le 1er mai 1890, les mineurs et ouvriers de Montceau et des environs restent muets pendant presque dix ans. Pourtant c’était pas des gentils. Faut imaginer ce que ça représente dans les chaumières, comme peur, comme pleurs, comme souillure. Ils sont vos grands-mères-pères, vos arrières grands-mères-pères. Là aussi y’a sûrement eu des facteurs pour distribuer le courrier des temps d’avant.
Lili connaît la factrice Morgane qui a retrouvé la trace du 1er mai, bien plus tard, en 1930-1934.

Scène d’arrestation à Montceau les mines – Le monde illustré – 1882
Grève – Le Creusot – 1899
On parle du 1er mai en 1930 et 1934 dans les archives de l’Eco-musée Creusot Montceau


Ca lui fait penser à aujourd’hui.
C’est anachronique et elle ne veut pas perturber le récit patiemment reconstitué par l’ami Igor et la factrice Morgane.
Mais elle voit bien que depuis 2016, quelque-chose à changé. Les manifs contre la Loi Travail ont fait émerger une colère nouvelle : dix ans d’indifférence et de non-prise en compte des revendications sociales, les grèves traitées comme des épouvantails… Les techniques de manifestation ne tolèrent plus le décorum, faut que ça cartonne maintenant. Les cortèges de tête ont fracturé la vieille organisation syndicale, on se place devant les organisateurs, on perce les barrages de flics, on détourne le parcours et on le fait sortir des sentiers battus et autorisés par le préfet, on va au contact et on passe. Depuis 2016, les manifestations sont des reconquêtes de l’espace public et des institutions. Les cortèges gagnent du terrain et reprennent les places fortes du pouvoir : commissariat, hôtel de ville, etc. On laisse des inscriptions, des affiches, on fracture les symboles de l’adversaire pour faire durer nos revendications au-delà du jour de grève. En 2018, les Gilets jaunes ont réinventé de fond en comble la pratique manifestante : personne ne peut plus prévoir où le cortège ira, ni ce qu’il fera. Il n’y a pas de service d’ordre. C’est le principe de la dissémination, plus celui de l’organisation. Et ça marche fort, la manifestation redevient un lieu de mise sous pression politique. Alors en face, on passe à la répression, parce que ça les fait flipper l’improvisation et l’anarchie. 


FRACTURER LE POLITIQUE !


Et dans la rue, il y a autant de brins de muguet que de gueules noires. C’est simple, si les fleurs étaient des gens, les rues seraient des champs le 1er mai. 

« Salut Francis, t’as mis ton écharpe rouge comme d’hab' ! 
- Alors, ça va ma gueule ! Bien sûr et toi, toujours aussi bandante, c’est con que je sois trop vieux ! 
Tiens j’ai une blague dégueulasse… »


Ci-cis 82 ans, kidnappé à l’orphelinat par une vieille morvandelle devenue sa mère, champion de boxe inter-armée et anarcho-syndicaliste chevronné :

« on faisait à l’ancienne, moi je cognais ». 


Il a fait partie des gars qui ont occupé le paquebot France, symbole de la confiscation du capital par les riches. Un camarade de 1er mai.

« Gaspar, tu rates jamais le 1er mai toi !  
- Plutôt crever, t’as vu ce qui nous mettent dans le c… 
- Ah ben tu te colles aux slogans là, je te sens en forme ! »


Dressé comme un couteau et teigneux comme un chien en cage. Gaspar est un déçu. Lili lui rend visite souvent. Il fait toujours mine d’être dérangé et mal-gracieux. Sur son lit de mort, il a dit à Lili qu’il n’arrêterait jamais de lutter. Il a bien failli ne pas mourir. Il a appris à Lili la résistance envers et contre tout, la force maléfique et utile des exclus. Le courage face à la mort. L’utilité de la méchanceté. Lili aime les vieux bistrots et les alcolos embrumés de gitanes depuis ce temps. Il aurait fini en tôle pendant ce confinement c’est sûr.

« Pascal, c’est cool que tu sois venu, ça fait longtemps qu’on s’est pas vus ! 
Wouha classe le T-shirt Che Guevara ! » 
- Madame l’intello de merde, je ne passe pas mes journées à ramasser le foin à la pelle moi ! 
Quand j’étais en Guyanne auprès des locaux pour contrer la manipulation politique des masses populaires, 
après avoir saboter les grandes plantations au Cameroun, 
ils m’ont collé une interdiction de sol français… 
Mon pays m’a exilé. Heureusement que les Amazoniens m’ont accueilli. 
Maintenant ils veulent me remettre la Légion d’honneur… 
tu vois, suis mes conseils, toi tu es comme moi, tu sais que tu as raison, 
défends tes convictions, maintiens tes positions et épouse la liberté ! 
Allez on va dans le cortège de tête, faut que ça bouge là ! »


Lili était en ébullition hier matin de 1er mai 2020.
C’est tout ce monde-là qui s’effondre. Un siècle et demi de lutte humaine, un siècle et demi d’efforts immenses pour se regrouper au-delà des petits intérêts personnels, des risques de mourir, de perdre son emploi, d’être blessé. Un siècle et demi de paroles échangées au détour de la manif, d’amour qui nous serre les coudes, de courage face à Goliath, de folie de ne pas se résigner à être les outils des autres. Lili sait que ce n’est pas juste une exception. L’exception devient la norme. 
Elle sent que la colère gronde. Elle a les trois formules. Elle les dit. Et maintenant, que pousse la majuscule et que les Noirs s’assemblent, des vieilles récalcitrantes aux vieux coquins, des factrices aux déçus, des charbonniers des forêts aux mineurs de fond, des ouvriers bleus aux panthères brunes, des bandes noires aux Gilets jaunes. Lili lance le générique de fin. 

Depuis ce matin Lili prépare le 1er mai du monde d’après, le regroupement des Noirs majuscules, ils vont se manifester, aimer les fous et fracturer le politique. Ça commence aujourd’hui.

Tous les personnages de cette histoire sont réels, ils ont existé et vivent encore (sauf ceux qui sont morts, mais ils prenaient tellement de place que des fois on se demande). Sinon l’histoire n’aurait aucun intérêt.

Caroline Darroux
2 mai 2020

Souvenirs souvenirs du monde d’avant, ODIL aussi fait la factrice


4 documentaires sur la persistance de l’esprit de lutte dans le bassin minier montcellien.

Montceau-les-Mines accueille l’Assemblée des Assemblées en juillet 2019, grand rassemblement français des Gilets jaunes.

Petit-Jean, le courageux : condition des street médics dans les manif.


La Réforme des retraites, souvenez-vous, vous n’en vouliez pas.



Pour aller plus loin

« Black Panthers », magnifique conférence de Sylvie Laurent lors de l’Université populaire du quai Branly.

Les vieilles femmes insoumises, podcast sur les rencontres ethnographiques de Caroline Darroux dans la série LSD de France Culture.

La Bande noire, lien vers le site très documenté et le boulot immense et génial d’Yves Meunier, notre historien libertaire préféré.

https://labandenoire.jimdofree.com

D’autres articles ODIL à Propos du 1er Mai