Cet après-midi du 6 avril s’étirait sans passion devant mon écran d’ordinateur quand tout à coup je vois apparaitre dans mon fil d’actualité une vidéo en direct de la page Ville de Montceau-les-Mines. Dans un premier temps, je m’en veux de « m »’être encore une fois si mal informé que je ne savais pas qu’un conseil municipal se tenait ce jour, et puis ma curiosité l’emporte et j’active l’audio.
Tu préfères la version radio ? Rdv en bas de page…
C’est Monsieur le premier adjoint Gronfier qui a la parole, il est à peine 17H30, les propos sont toujours liminaires comme on dit, mais également, et c’est ça qui me fait sortir immédiatement de mes gonds, ils sont une fois de plus prétexte à une attaque en règle de la personne du conseiller d’opposition, Laurent Selvez.
Bin voilà, ça tient à rien un après-midi tranquille. Il n’a fallu que quelques secondes entre le moment où la voix de M. Gronfier a résonné à mes oreilles et l’envoi de mon commentaire.
Mais la cible n’était pas seulement le premier adjoint, ce commentaire s’adressait à toutes les personnes siégeant au conseil et en particulier, majorité ou opposition, à celles qui chaque mois s’écharpent en digressions et attaques personnelles pendant la première heure de leur show facebookisé.
Bref me voici courroucé et c’est là que je risque l’emballement de mes petits doigts boudinés de colère sur le clavier. Pas manqué… Deuxième commentaire, je mélange tout, je ne suis plus seulement le citoyen montcellien lambda, je deviens le représentant de l’association que j’ai fondée et qui m’emploie aujourd’hui.
Une sorte de bouteille à la mer quoi… Bon un peu cassée, un peu coupante, mais juste une petite bouteille qui a son histoire.
Effectivement en février 2020 nous avons, comme toutes les autres associations concernées, déposé un dossier de subvention à la ville de Montceau. En bonne et due forme, enfin avec la forme spécifique à la municipalité montcellienne, c’est à dire sans document officiel CERFA, avec seulement quelques lignes pour expliciter le projet associatif. Si vous organisez des activités de loisirs pour vos adhérents, ce que j’encourage par ailleurs, aucun souci, mais si comme ODIL vous êtes une entreprise associative employeuse avec des activités diverses et complexes, ça devient difficile de rentrer dans les cases. Sans réponses durant plusieurs semaines, on a compris qu’il valait mieux s’adresser directement à Dieu plutôt qu’à ses disciples. Nous avons donc sollicité un rendez-vous avec Mme le Maire, et c’est le 4 juin que nous l’avons rencontrée.
En quelques minutes, la somme était griffonnée sur une feuille, la subvention accordée sur un coin de table. Nous n’avons rien promis en échange, estimant qu’employer deux personnes et diriger vers Montceau 18 000€ d’argent public en vu d’actions socio-culturelles constituait déjà notre part. Bref nous créons de la valeur, et c’est pour ça que nous souhaitons être encouragés.
Ainsi tout allait pour le mieux et nous recevrions quelques jours plus tard, un courrier nous le confirmant.
L’été se passe et en septembre, nous avons commencé à solliciter les services pour avoir des nouvelles de notre subvention. La vie associative ne peut pas nous répondre (c’est dommage vu qu’on est une association), puis M. Jean-Pierre Bernard instructeur du dossier, devient enfin joignable en octobre, bien que loin d’être courtois au téléphone, il nous dit que si on n’a pas de nouvelles c’est que notre subvention n’a pas été votée… C’est bizarre toutes les autres le sont. Il nous assure qu’elle sera votée au prochain conseil de novembre. Celui-ci sera malheureusement annulé et l’email adressé par nos soins à Mme Jarrot le 26 novembre restera lui aussi sans réponse.
On ne va pas se mentir 1500€ c’est pas grand chose sur 2 salaires à l’année, mais en période COVID ça peut sauver un peu la baraque.
Alors le 4 janvier on a fait ce qu’on se refusait à faire réellement jusqu’à maintenant, on a fait ce que beaucoup nous ont conseillé, on a fait ce qui encourage à notre corps défendant, l’ambiance clientéliste et ultra-centralisée de cette mandature, on a écrit directement un sms à Mme le Maire le 4 janvier. Eh ben raté, pas de réponse, par contre au conseil du 18 janvier, notre subvention est enfin votée et acceptée. Youhou !
Alors dans les jours qui ont suivi, on a eu quelques contacts avec les services, on a envoyé notre RIB. Youhou !… Et depuis plus rien.
Et depuis notre lieu est toujours fermé. Et depuis notre activité ralentit. Et maintenant c’est le retour du confinement et 1500€ ce serait quand même bienvenu non ? Alors c’est là, près de 3 mois après la votation de notre subvention, que dans un coup de colère j’ai lancé une bouteille à la mer. Pas non plus remplie d’essence et jonchée d’un chiffon, juste un peu éraflée et coupante. Un petit commentaire sous la vidéo en direct du conseil municipal du 6 avril 2021, plus d’un an après notre première demande de subvention.
Et là, la magie opère, la parole se fait moins claire, nous voyons à l’écran des personnes s’agiter, ça pianote sur les téléphones, on fait passer un mot à Mme Jarrot sous l’oeil de la caméra, elle s’en empare et sans attendre s’approche de son micro et clame :
Je ne rêve pas , elle prononce mon nom en plein conseil, quel honneur, elle interrompt les débats les plus importants de la démocratie représentative montcellienne pour mon simple petit commentaire. Je suis ému, elle re-cite mon nom, puis indique que oui cette subvention a été accordée. On lui fait passer un autre mot, elle donne même le numéro du mandat de paiement, et elle re-cite mon nom, je suis décidément ému et puis un peu amusé que derrière mon clavier, il m’est apparemment possible d’avoir autant de pouvoir sur le direct. Et puis un goût amer me vient en bouche. Cette dame, maire de tou-te-s les montcellien-ne-s, ne cite pas mon nom, elle interrompt le conseil municipal pour le livrer en pâture, aux personnes présentes, aux personnes connectées sur Facebook, elle montre comme elle contrôle tout, elle moque ma parole sans que je puisse me défendre.
Alors je me débats, je vais de ce pas écrire un nouveau commentaire et m’aperçois que les précédents ont été effacés, et puis celui que je viens d’écrire est aussitôt supprimé également, alors je le réécris, et hop disparu. Non, on dirait que je ne peux pas me défendre.
Quelque chose de nouveau s’engage, bien sûr et heureusement, Mme Le Maire est passée à autre chose, et ce n’est pas le silence de l’assemblée sur ses méthodes qui l’en a empêchée. Je me lance donc dans un jeu de « copier-coller-effacer » avec le community manager de la page Ville de Montceau les Mines, qui me signifie que là, les écrits sont modérés et que je ferais mieux de m’exprimer en privé. Les heures qui ont suivi ont été un long jeu du chat et de la souris, plusieurs personnes, sont venues commenter les échanges, mais aussi cette habitude de censure des remarques, et puis le débat de la suppression du différé de la vidéo dès le conseil terminé est revenu sur la table, en tout environ 200 commentaires, supprimés dès leur parution par un-e chef-fe de service qui a du transpirer un peu du pouce.
À la lecture d’un laïus du service communication de la ville sur sa page, expliquant les nécessités de modération, je m’aperçois que jamais, je n’ai enfreint aucune règle. Alors pourquoi ces méthodes paranoïaques sinon autoritaires, ne supportant aucune critique. Je ne me poserai pas la question du pourquoi ai-je été affiché publiquement par Mme le Maire puisque je me suis affiché tout seul, commentant une vidéo publique en mon nom, mais plutôt quelle était la nécessité de stopper le conseil municipal pour me répondre en direct par la voix de la personne, qui je le pensais, avait autre chose à faire que modérer les réseaux sociaux. Peut-être s’agissait-il de faire peur, tuer toute contestation dans l’oeuf, en tous cas ça démontre une fragilité qu’on ne soupçonnait pas, et puis ça peut donner à plein de gens des idées. Ces moments graves de notre démocratie locale sont donc destabilisables par un seul commentaire, ne comportant pourtant aucune injure, aucune interpellation personnelle. Et puis l’expression publique des montcellien-ne-s, les outils qui la permettent ne vous appartiennent pas messieurs mesdames les élues et autres employé-e-s municipaux-ales, tout comme l’argent public d’ailleurs, vous les gérez seulement pour nous. Ainsi on pourrait vous reprocher de jeter l’argent par les fenêtres à organiser la captation/diffusion d’un conseil pour seulement 50 personnes connectées, en choisissant pertinemment d’empêcher celles qui sont occupées par ailleurs de revenir plus tard sur les débats qui les concernent.
On m’a dit à la suite de cet épisode , qu’on n’était pas près de toucher la subvention évoquée. Moi naïf, je me rassure en me disant que nous méritons cette subvention parce que nous menons des actions culturelles et d’éducation populaire, d’intérêt général, ouvertes à tous les habitants de cette ville, non pas parce que nous avons un média, aussi contestataire des pouvoirs puisse-t-il être. Non, nous ne sommes pas à Béziers ou je ne sais où. Non, vous n’allez pas nous laisser tomber en période de crise. Combien y’en a t-il d’associations employeuses à Montceau ? Combien qui emploient et à qui on ne donne finalement que 1500€ ? Moi j’adore le sport, mais on est quelques-un-e-s à se dire que la différence entre les sommes allouées au sport et celles allouées à la culture est scandaleuse, non ? On est plein non ?
On est plein à se dire des trucs, on est plein à qui on dit des trucs, des révélations, des secrets d’alcôve, des histoires de bagues, de services civiques, de loups gris sur les listes, de dysfonctionnement dans les services, etc… La question est pourquoi on ne les répète pas, pourquoi les médias ne disent rien, pourquoi les citoyens ne disent rien, les élus ? Eh, si notre bar associatif était ouvert on pourrait vous raconter au comptoir, qui pique du nez en réunion officielle, qui met des coups de pression au téléphone à la presse locale, etc…
Dans une petite ville comme Montceau tout le monde se connait, et le pouvoir reste le pouvoir, il observe de près ces interactions entre les personnes. Si quelqu’un parle, on retrouvera toujours sa source et les sources ça se protège.
L’omerta a de beaux jours devant elle, à moins qu’un jour le scandale…
Benjamin Burtin, Avril 2021