C’est un coup de foudre qui amène Cyrille à se former au beau et délicat métier de tonnelier ! Sa passion pour la fabrication de tonneau en ruralité l’amène à se déplacer sur divers événements pour faire des démonstrations de son travail au grand public.
Afin d’avoir un espace dédié à sa création, il se lance dans une campagne de financement participatif pour développer son atelier !

 

En quelques mots, briefez-nous sur le métier de tonnelier …

Même si on connaît encore mal ses origines, on trouve des traces de ce métier depuis plus de 2500 ans. Au départ, le tonneau n’est pas contenant de stockage : sa forme et ses caractéristiques en font une caisse de transport très efficace. Il roule et se déplace facilement, il est léger, solide, réparable. Ce n’est que beaucoup plus tard que l’on découvrira le principe de la maturation d’alcool en fûts.
À une époque plus récente, le métier de tonnelier a été très répandu. Au début du vingtième siècle il répond à un besoin quotidien pour beaucoup de foyers : seaux, saloirs, barattes à beurre, tonneaux et tonnelets de différents litrages, le travail ne manque pas et on trouve des tonneliers dans bien des villages. La modernisation d’après-guerre fait peu à peu disparaître ce métier (nouvelles matières, nouvelles technologies, évolution du mode de vie). Il réapparaîtra dans les années 80, mais avec des changements assez marqués : les tonnelleries se mécanisent et s’industrialisent, et la production se concentre sur un seul marché, celui des professionnels (les vignerons essentiellement). Aujourd’hui c’est une industrie en bonne santé qui exporte plus de 80 % de sa production. On peut résumer cette évolution en une phrase : il y a de plus en plus de tonnelleries industrielles, de moins en moins de tonneliers.

 

De « l’artisanat engagé », ça veut dire quoi ?

C’est précisément là que se situe mon engagement : dans le maintien d’un savoir faire artisanal et
manuel, et dans mon obstination à penser que non, on n’est pas obligé de suivre le mouvement.
On peut aussi travailler de manière raisonnable, appliquée, juste. Ce qui me tient à cœur, c’est de
continuer à fabriquer tous ces objets du quotidien qui ont été délaissés mais qui reviennent au
goût du jour car nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir retrouver un mode de vie
différent. Cet engagement se retrouve aussi dans le fait d’être en cohérence entre notre façon de
travailler et la vie à laquelle on aspire : il y a quelques années nous avons acheté un corps de
ferme à retaper qui nous permettra à long terme de vivre en quasi-autonomie, on y a installé toute
la petite famille ainsi que l’atelier. Pour le travail et pour la vie de tous les jours, nous avons un peu
la même philosophie : consommer peu, mais bien, être attentif à chaque choses, prendre le
temps. Et quand je fabrique un tonneau je mets toute mon application à faire un objet solide et de
qualité qui pourra durer toute une vie, pas un truc qui va « tomber en panne » dans 2 ans…
Je me permets également le luxe de refuser les commandes qui ne sont pas en accord avec nos
valeurs, par exemple les grandes séries à prix réduits. Ces commandes seraient certes plus
rentables mais au final j’y perdrai de mon authenticité. Je ne veux pas travailler « à tout prix », je
veux travailler correctement. On pourrait en parler encore longtemps mais voilà, c’est un peu tout
ça qu’on a choisit d’appeler « artisanat engagé ».

 

En plus d’être un fabriquant, vous partagez votre savoir lors de diverses et multiples animations. Qu’est-ce-que cela vous apporte au quotidien et dans votre métier d’artisan?

Depuis plus de 12 ans je parcours la France (et plus) pour faire des démonstrations et faire
découvrir ou redécouvrir ce métier. Tout le monde connaît le tonneau, c’est un objet fortement
ancré dans notre culture, mais personne ne sait trop comment c’est fabriqué. Il y a donc toujours une grande curiosité pour cet artisanat, en particulier pour le cintrage au feu qui est à chaque fois un moment magique. Ce qui m’impressionne toujours, c’est aussi l’accroche affective qu’ont de nombreuses personnes par rapport à ce métier. Quasiment à chaque animation, je rencontre une personne qui me dit : « mon père était tonnelier… » ou « j’ai eu un grand-père tonnelier mais moi je ne l’ai pas connu » ou encore « je me souviens quand on rentrait de l’école on adorait passer devant l’atelier du tonnelier, je le vois encore mettre le feu pour cintrer ses fûts, comme vous faites là. .  À chaque fois c’est la même émotion, les souvenirs d’enfance qui reviennent, et les regards qui brillent. Quelques fois je croise un ancien tonnelier et ce sont encore des moments très intenses qui se jouent. Ce qui me plaît énormément c’est le rapport affectif direct et les échanges très riches qui arrivent tout de suite, sans avoir à passer par le protocole social. À chaque fois il y a beaucoup d’encouragements à continuer ce que je fais car c’est important. Tout ceci me conforte à poursuivre sur cette voie.

 

Vous arrive-t-il de travailler avec d’autres artisans locaux ?

Oui bien sûr ! Nos clients sont de plus en plus nombreux à venir via internet, nous avons donc
récemment évolué de ce côté pour refaire complètement notre site. Pour cela il nous fallait de
belles photos de nos produits et nous avons eu la bonne surprise de trouver un excellent
photographe là où nous habitons. Il y a également un tourneur sur bois avec qui nous avons
travaillé il y a quelques temps. En ce moment je suis sur un projet de baignoire et ma cliente
souhaite y mettre des poignées en fer forgé. Ça tombe bien il y aussi un forgeron au village !
Même pour les cartes de visite nous préférons largement les faire à la petite imprimerie du coin
plutôt que les commander sur internet. Bref, nous travaillons le plus possible en local, jusque dans
mes vêtements de travail (largeot et chemise) qui sont fabriqués à 30km de chez nous.

 

Une fois ce nouvel atelier créé, quelles sont vos idées et envies pour le futur ?

Cette année marque un tournant pour nous car nous changeons notre manière de travailler.
Jusqu’à maintenant je faisais beaucoup plus d’animations que de fabrication. Nous sommes en
train d’inverser cette tendance pour plusieurs raisons. Tout d’abord professionnelle car j’ai de plus
en plus de commandes pour de la fabrication, et puis à un niveau personnel aussi : notre nouveau
lieu de vie et la famille qui s’agrandit font que j’ai moins envie de parcourir les routes pour aller
faire des animations. L’aménagement du nouvel atelier va me permettre de travailler beaucoup
mieux et de diversifier ma production : la prochaine étape c’est l’installation de la forge pour
pouvoir faire des anses en fer et des chaînes et aller un peu plus loin dans la reproduction de pièce
historiques comme les seaux de puits gaulois et gallo-romains par exemple.
Pour le futur, je continuerai également à partager ce savoir et ce savoir-faire de manière plus
pérenne : en proposant à la fois des formations accessibles à tous pour apprendre à entretenir et
réparer sa futaille, et puis aussi en prenant des apprentis pour leur transmettre ce merveilleux
métier.

N’hésitez pas à aider Cyrille dans son projet par ici : https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/art-et-tonneaux-une-tonnellerie-artisanale