Notre région regorge de spectacles auxquels on n’accorde que peu de place. Pourtant magnifiquement mis en scène et interprété, portant un discours salutaire sur notre société, Milena Milagro peine à trouver son public.
La comédienne et fondatrice de la Compagnie Trash Harmonie, Marie-Julie Lemercier, nous livre ses motivations en quelques réponses.
Comment est venue l’écriture du spectacle ?
L’écriture de Miléna Milagro est venue en réaction à une actualité de 2014 qui désignait avec une violence crasse les Rom comme bouc émissaires du moment. Bien sûr nous avons toujours eu besoin de ce fameux bouc, mais à cette même époque, alors que j’intervenais en écriture auprès de jeunes adultes en formation à Château Chinon, je me suis retrouvée face à une parole haineuse relayée par des personnes qui n’avaient même jamais croisé un Rom. L’écriture de ce spectacle en a découlé presque instinctivement.
Miléna Milagro est gitane. Depuis sa naissance elle est la mal aimée parmi les siens. Elle en ignore la raison. Aujourd’hui à 55 ans, elle se raconte: son enfance, la vie parisienne, ses amitiés, le carnet mémoire… Elle découvre aussi les raisons de sa pré-destinée de bouc émissaire, qui sont loin de ce qu’elle avait imaginé.
« Miléna Milagro » est un seul en scène dans lequel se mêlent le langage théâtral, le langage chorégraphique, vocal, sonore et plastique. Cette création, à travers la vie riche et mouvementé d’une femme déracinée, résonne avec notre actualité
Tu dis que ce spectacle résonne avec l’actualité récente, tu parles des réfugiés ?
A l’origine je parle de nos boucs émissaires : Gitans, Rom, femmes, immigrés… Mais cette fonction, ce rôle est également endossé par les réfugiés, les enfuis, les étrangers, les migrants, toutes celles et ceux que l’on voit arriver d’on ne sait où et qui malgré notre ignorance deviennent des présages mauvais et les responsables de tous nos maux.
Nos Boucs ! Peuples sacrifiés, permettant quelques instants au reste du monde de se sentir plus grand. Les Boucs de tous temps, chrétiens crucifiés, jetés aux fauves. Athées déconsidérés. Peuple juif chassé, gazé. Peuple arabe noyé, bombardé. Bouddhistes violentés, castrés, protestants massacrés, chassés. Émissaires, canaux à la violence de l’humanité, boucs du quotidien. Afro-Américains lynchés, femmes excisées. Sino-américains parqués, Roms stigmatisés, les chinois d’Indonésie discriminés… Toutes ces victimes consentantes faute de quoi… Le monde éclaterait il en morceaux ?
Sans parler des Serbes acculés, des Arméniens génocidés, des homosexuels triangulés de rose, des jeunes filles sacrifiés, de la noblesse guillotinée, des intermittents diabolisés, des femmes libres au bûcher, des politiques triangulés de rouge ou des SDF triangulés de jaune…
Finalement cette actualité-là est désespérément et toujours récente !
Que penses-tu des politiques d’accueil ?
Les politiques d’accueil ?! Comme le « les » le précise elles sont multiples, mais il me semble qu’elles manquent un peu trop souvent d’aspect Humanitaire au profit d’un aspect électoral, quelles vont un peu trop souvent à l’encontre des devises inscrites sur nos frontons. Il se dit que nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde (quelle prétention) Cette misère est la forêt qui cache l’arbre ! Il ne s’agit pas de misère mais d’êtres humains. Des personnes dans l’urgence qui ont besoin d’aide et de refuge, comme il me semble, cela arrive et peut arriver a chacun d’entre nous. Nous avons les moyens d’accueillir ! Je crois qu’il se fait une montagne d’un flux comparable à un ru qu’il serait assez simple d’absorber. C’est certainement mon côté « humaniste » qui s’exprime, mais je reste persuadé que ces politiques pourraient être une, qui soit celle de l’accueil
Les artistes ont-ils un rôle politique a jouer ? Ce genre de spectacle ouvre-t-il les consciences à ton avis ?
La politique étant le fait de participer de l’organisation de la vie dans la cité, oui, bien sûr, les artistes tout comme les autres, jouent un rôle et même parfois malgré eux. Quant à l’ouverture des consciences autour du spectacle, j’ose espérer qu’il permet de s’interroger sur la thématique, et sur le vécu de chacun. Nous avons toutes et tous un rapport particulier au bouc émissaire, que nous soyons nous-même bouc, que nous en ayons rencontré, que nous en ayons un.
Je ne sais pas si ce spectacle ouvre les consciences, mais le questionnement, certainement.
Comment te positionnes-tu en tant qu’artiste du territoire ? Y’a-t-il assez de salle ? De programmateur ? Est-il facile de faire tourner un spectacle comme celui-ci ?
C’est une question complexe. Je crois que je me positionne ! Ensuite, mon artiste, me donne une voix, un medium.
Je suis, je vis sur le territoire du Sud Morvan, nous nous sommes adoptés en quelques sortes.
De ce point de vue mon implication est instinctive.
Pour ce qui est de la « Case » visibilité, réseaux et programmation, c’est un « rôle » que j’ai beaucoup de mal à nourrir, pour cela je n’ai pas la bonne boite à outil, pas les réseaux. Avec la création de Miléna Milagro je me suis appliqué a suivre le processus de production tout bien comme on m’a dit : 3 ans de travail avec en parallèle des rencontres et des présentations aux réseaux et partenaires, présentation du projet, recherches et demandes de financement, etc… Mais je n’ai pas trouvé les petits chemins transversaux. Mis à part quelques partenaires indéfectibles, nous n’avons pas su rencontrer, ni proposer, ni intéresser semble-t-il.
Je ne pense pas qu’il n’y a pas assez de programmateur sur le territoire, mais les rencontres ne sont pas simples et je trouve que cela relève presque de la « profession » pour pouvoir se rencontrer et échanger. Je risque de ne pas me faire que des amis, mais le rapport programmateur, artiste manque beaucoup de simplicité. Le jeu ne se joue pas de façon égale qu’on soit lambda X ou moins lambda et « réseauT ».
Faire tourner Miléna Milagro, n’est pas facile, autant pour le sujet, que pour son traitement ou la technique… C’est pour cela que nous avons travaillé sur une forme plus légère. Le sujet et le traitement reste particulier, mais la technique permet de jouer partout, et du coup de pouvoir répondre à des demandes de lieux et d’associations, qui ne sont pas des réseaux « nationaux » ou de « salles conventionnées/conventionnelles » mais qui soutiennent et sont intéressés par ce type de projet
Aujourd’hui il semble que Miléna la petite renait des cendres de la grande.
Quelle est l’actualité de la compagnie ?
Une actualité assez légère mais de qualité !!!!
Le 27 juillet à 21h00 à Millay, le chemin ferré, sous le Dôme Theater
Le 10 aout à 20h00, à la salle des fêtes de Roussillon en Morvan
Le 05 décembre à 20h00 à la salle de théâtre du Lycée Anna Judic de Semur en Auxois
Des interventions « Des racines à la cime » tout l’été …
Et bien sur d’autres choses en préparation, écriture, créations… Restez attentifs !
Plus d’infos sur la Compagnie Trash Harmonie ici : https://www.mariejulielemercier.com/cie-trash-harmonie