L’annonce est tombée le 2 février dernier : une centaine de personnes sont menacées de perdre leur emploi avant l’été à Saint-Martin-Belle-Roche. Il s’agit des salariés de l’entreprise Eurosérum, leader mondial sur le marché des poudres de lait destinées à la nutrition de nos bébés, entreprise bien connue du bassin mâconnais puisqu’elle recrute depuis plusieurs générations dans les parages. En gros, dans cette entreprise, on récolte du petit lait issu des fromageries depuis des dizaines d’années et on le traite pour qu’il ressorte en poudre. Mais visiblement, au 3e trimestre 2022, clap de fin pour ce bel outil industriel. Et il paraîtrait que, si les salariés se retrouvent potentiellement à pointer chez Pôle Emploi d’ici peu, c’est la faute au marché concurrentiel et au besoin d’investir pour faire face aux défis à venir de l’entreprise. Des arguments valables pour déclencher un PSE.
Un PSE vous dites ? C’est quoi ce truc ?
Avant on disait « plan social », maintenant on dit « plan pour la sauvegarde de l’emploi », PSE. Il s’agit d’un dispositif légal mis en place par l’article L 1233-61 du Code du travail, afin de limiter les conséquences des licenciements collectifs notamment par des mesures de reclassement et d’adaptation. Pour que ça se mette en place, il faut invoquer des raisons valables, du style : « on vend plus assez de produits donc on en produit moins donc plus assez de tunes pour justifier l’emploi de nos salariés ». Et dans le cas d’EUROSÉRUM, si on se fie aux éléments qu’on nous a présentés, ben y a un truc qui coince. Comme une incohérence dans le calcul. Parce que sacrifier 119 postes au motif qu’on doit investir des milliards pour s’adapter à l’évolution du marché, ça pourrait revêtir une forme de logique. Sauf que dans ce cas précis, les investissements proposés orientent l’activité du groupe vers une augmentation de la production en fromagerie (un secteur prometteur le fromage !). Et qui dit plus de frometon, dit augmentation du volume de sérum à transformer. Et qu’est-ce qu’on fait chez EUROSÉRUM ? Ben justemement, on transforme le sérum…
Mais alors si on se débarrasse des 119, qui va traiter tout ce petit lait, et où ?!
On vous laisse en savoir plus sur ce que c’est qu’un PSE ici si ça vous dit : https://www.coindusalarie.fr/pse-definition.
Mais en réalité, malgré toute la bonne volonté du monde s’il en est, derrière ses mises en oeuvre d’actions pour limiter la casse, ben il reste toujours de la casse. Et c’est de ça dont on a papoté, entre autre, avec Jean-Claude Ladovic, salarié d’Eurosérum.
Une autre manière de se mobiliser
Passé le coup de massue, les salariés d’EUROSERUM ont relevé leurs manches pour imaginer une forme de lutte créative. Pas question de se mettre en grève, d’abord parce que niveau tunes ça pourrait coincer. Notamment quand tu sais que tu vas te retrouver au chomedu quand d’autres partiront en vacances au soleil. Ensuite, il faut maintenir l’outil de production en bon état de marche, parce que si miraculeusement (et on croit aux miracles chez ODIL) un repreneur se manifestait, il faudrait que tout roule. Et puis enfin, parce que mobiliser l’opinion publique en véhiculant l’image positive de gens qui aiment leur travail, qui continuent à le faire et qui ne veulent pas l’arrêter, ça laisse penser que c’est un combat digne d’être mené et surtout d’être gagné… C’est pourquoi une association est en cours de création, pour collecter des fonds de soutien à cette lutte, pour coordonner des actions artistiques et faire du bruit devant l’entreprise, aussi longtemps que possible.
Pour suivre tout ça, faut aller par là : https://www.facebook.com/sodiaalmatuer
Mais pourquoi donc ça nous concernerait ?
Jean-Claude Ladovic et moi, on ne se connait pas. Il n’avait jamais entendu parlé d’ODIL d’ailleurs. Il a pris contact avec nous il y a peu sur les conseils d’un ami commun. Et là, je pense à « L’étude du petit monde ». Vous savez ce principe selon lequel il y a finalement très peu d’intermédiaires entre nous et un inconnu, à peine quelques personnes suffisent pour transmettre un message, parce qu’en réalité, le monde est super petit… C’est un peu le sens de ce papotage, porter la parole des 119 personnes touchées par ce PSE.
Parce que d’une part, on connait indirectement ou non des gens touchés et que d’autre part, si on diffuse ce message autour de nous, on amplifiera la lutte créative débutée par ces salariés. Et qui sait, on augmentera peut-être les chances que ce message soit entendu, on diminuera le désespoir et on favorisera pourquoi pas une issue plus réjouissante…
Alors faites tourner !
Pour aller plus loin :
Communiqué du comité social et économique Eurosérum de Saint-Martin-Belle-Roche
« Les salariés d’Eurosérum viennent d’apprendre que la stratégie du groupe coopératif SODIAAL a décidé, notamment, de la fermeture du site de de Saint-Martin-Belle-Roche (119 salariés). Site historique de séchage et traitement du lait, mais aussi du lactosérum pour la fabrication de lait infantile.
Depuis 2018, des investissements financiers, mais aussi humains ont remis le site à niveau après la crise sanitaire dans le lait infantile Français.
Cela par le développement d’un suivi d’hygiène de haute qualité qui a permis de respecter les exigences réglementaires et sanitaires obligatoires .
Eurosérum, après avoir été la pépite de Sodiaal il y a quelques années, répond du jour au lendemain que cela est fini !
Une nouvelle fois les salariés vont servir de variable d’ajustement dans la stratégie de Sodiaal, la plus grande coopérative laitière de France.
Pourquoi ? Un maintien de l’outil du site présenté par la direction générale à 2% de la totalité des investissements de Sodiaal annoncés à 600 millions sur cinq ans dans le communiqué officiel. Le prix du sacrifice de 119 CDI ? Un outil de plusieurs centaines de millions d’euros qui tourne 24/24h, 7 jours sur 7.
Et cela, il faut s’en rappeler, pendant les périodes de confinement, premier de cordée pour traiter le lait de la nation.
Fin juin 2022 plus rien sur Saint-Martin-Belle-Roche ?
Quel prix pour démanteler le deuxième plus gros site Eurosérum traitant près d’un million de litres de matièrepremière par jour !
Un site comprenant des installations non délocalisables ! Avec notamment une tour de séchage dans les plus récentes du groupe Sodiaal.
Le groupe investit dans la communication politique RSE auprès des clients et des consommateurs.
Mais ces millions de litres transiteront sur les routes de France, à quel prix ?
Les salariés sont dans l’incompréhension de la brutalité, de la stratégie de Sodiaal.
Bien évidemment que pour l’ensemble des équipes cela remet en question les valeurs de la plus grande coopérative.
Pourquoi un tel sacrifice ? Est-ce un choix politique, un effet de communication auprès des administrateurs.
Les indicateurs du site présentés régulièrement n’ont jamais montré qu’une telle décision puisse tomber.
Les représentants du personnel et les salariés savent que la fermeture de leur site pour cause économique n’est pas entendable.
Tout sera fait pour conserver l’activité sur le site de Saint-Martin-Belle-Roche car une telle décision est à la vue des éléments présentés, inacceptable. »
Laëtitia Déchambenoit – Février 2022