Il y a comme un souffle dans le monde culturel d’ici, comme un nouvel élan.
Partout des projets naissent, des gens s’organisent, comme pour enfin structurer une offre artistique présente depuis toujours, mais peut-être pas assez ambitieuse, trop peu reconnu parce que trop discrète ou trop en attente d’une tutelle communale.
Martine Sénéchal est de ceux qui n’ont jamais lâché, une personnalité incontournable de ce microcosme des créatifs montcelliens, et c’est dans la foulée de la naissance de sa nouvelle compagnie, À l’Envers de Soi, qu’elle répond à nos questions
Parle-nous de la création de cette nouvelle compagnie. Artistiques ou structurels, à quels besoins répond-elle ?
Cette compagnie est née avant tout d’un besoin.
Besoin d’identité artistique, après avoir enseigné la danse contemporaine en école privée et école municipale durant 20 ans, créé des spectacles de danse contemporaine, théâtre au sein de la Cie Golmus durant 17 ans, après avoir travaillé en partenariat avec de nombreuses structures et compagnies, et une expérience de la culture au sein dune collectivité territoriale du bassin minier… Des expériences au festival d’Avignon… Il était temps de m’affirmer en tant qu’artiste et affirmer mes choix artistiques.
Parler haut et fort de mes idées artistiques.
Oser… Oser, c’est se mettre en danger artistiquement.
Oser, c’est s’aventurer dans des terrains inconnus pour faire les choses autrement.
Oser c’est dire oui ou non à des projets.
Le premier projet de la compagnie était Le Cri, parle nous de sa genèse et de l’accueil qu’il a reçu. Allez-vous le garder en catalogue ?
Le Cri est née d’une rencontre entre une metteure en scène et une comédienne… Une naissance attendue et souhaitée…
Après 8 ans de recherches et d’attentes : des recherches autour de l’artiste Camille Claudel, ses œuvres , sa vie, ses trente années d’internement. Il a fallu découvrir le texte de Elie Bricéno, véritable coup de foudre, pour envisager un travail de plateau… Puis en attente d’une comédienne, ce fut la rencontre avec Muriel Kammerer, après avoir lancé une bouteille à la mer !!! Et là aussi ce fut un coup de foudre…
Une bosseuse, qui rentre dans le texte, qui rentre dans le personnage, une comédienne qui en veut !
Muriel est comédienne par passion, elle a un autre métier, un fournil… Elle fabrique du pain… Une boulangère/comédienne avec l’expérience du théâtre depuis son plus jeune âge, théâtre d’improvisation, masques, clown, théâtre classique, courts métrages…
Le Cri a été présenté en Bourgogne/Franche-Comté durant l’année 2019. Des rencontres avec des classes de 1ères au Lycée Parriat, nous recevons à chaque fois de bons retours qui encouragent à continuer et garder ce spectacle dans notre catalogue… Suite à la période que nous venons de vivre, nous reprendrons la diffusion de cette création à la rentrée 2020.
En juin 2019, Le Cri était présenté au théatre de l’Atelier Bleu , écrin de culture en Puysaie, dirigé par Sylvie Pothier… Devant un public connaisseur… Souhaité… Bons retours, Le Cri jouera à Joigny en 2021… Les élus souhaitent que ce spectacle se joue dans un lavoir de Joigny… Un nouveau défi pour Muriel et moi-même.
Qu’est-ce que la compagnie propose d’autres ?
La Cie a fait une sortie de confinement !!! En présentant une lecture musicale autour des souvenirs d’enfance…
Nous venons de traverser et vivre un scénario hors du commun depuis mars 2020. Chaque citoyen a vécu ce moment plus ou moins bien…. Avec ou sans jardin… Avec ou sans enfants à la maison…
En tant qu’artiste, le confinement a été un grand bouleversement, après une période où le cerveau se met en mode endormissement…
Si les artistes ont besoin parfois d’isolement, de solitude pour créer, Ils se nourrissent de rencontres, d’expériences humaines…
Puis un jour, un matin, le cerveau se réveille, écoute tout autour, tout proche, dans son périmètre, son quartier… Il entend, ses voisins, les séniors… On parle, de chaque côté d’une haie, d’une clôture ou d’un portail… Les langues s’activent autour des souvenirs d’enfance parce que l’on ressort les cartons de photos… Puis on se lance dans les activités que l’on avait oubliées… On sort des boîtes à boutons, on partage avec les enfants des jeux redécouverts… En quelque sorte, une « régression » ?
Rester dans son propre périmètre, avec le temps qui s’étire, c’est aussi un retour aux grandes vacances de notre enfance, en attendant de partir en vacances ou pas, de trouver des activités, redécouvrir l’utilité des objets, des matériaux qui nous entourent, fabriquer… Et la tête se met en mode souvenirs… Des flashs, des sensations, des émotions, des odeurs…
ET LA LECTURE… Et je découvre une pépite… Neverland de Timothée de Fombelle… À fleur de peau, à fleur de larmes… Des mots de l’enfance, des ambiances universelles qui réveillent nos souvenirs…
Tout va très vite, une place de village, un tilleul, des bancs… Et pourquoi ne pas partager cette lecture avec un public… Et créer un espace pour évoquer nos souvenirs… Et derrière les mots, il y a la musique, le piano…. Et c’est ainsi que naît l’idée d’un théâtre nomade… On nous parle de mobilité du public mais est-ce que cela fonctionne ?
C’est à nous artistes, d’aller vers les gens, nous avons tous une grande estime pour les habitants de nos quartiers, de nos villages, alors allons-y…
Je rassemble quelques lectrices passionnées, des lectrices de La Mère En Gueule nous rejoignent – (c’est aussi ça, la culture collective, rassembler des compétences, des gens d’autres structures ou autres horizons) – nous montons un barnum pour nous rencontrer en extérieur… Un pianiste nous rejoint et nous lançons le défi… Le projet est envoyé spontanément à la ville de Montceau… Et nous venons de jouer dans sept quartiers de Montceau-les-mines… Le pari est gagné, le public est au rendez-vous , les rencontres avec les gens, heureux d’avoir un spectacle au sein de leur quartier… Aller vers les gens c’est notre objectif, la démocratisation de la culture ne se fait pas que dans les théâtres et la conjoncture actuelle a poussé beaucoup d’artistes à aller vers…. Et à la rencontre des publics.
D’autres demandes se concrétisent, des lieux insolites, bucoliques…. Allons-y !!!
La lecture à voix haute a son public… Le groupe de lecteurs de la Cie À l’Envers de Soi est né du confinement : Les Hauts parleurs .
Une création en cours : après un passage au théâtre de l’Atelier Bleu Fontaines, dirigé par Sylvie Pothier…. En juin 2019, celle-ci me confie ainsi qu’à Muriel Kammerer,
Soliloque d’une déclassée. Adaptation féminine de Soliloque du pauvre de Jehan Rictus.
En tant que metteure en scène, ce texte, une pépite verbale, du XIXème brûlante d’actualité me bouleverse, et c’est un autre défi pour Muriel, artiste risque-tout.
Nous sommes une nouvelle fois devant le défi d’un monologue avec la même comédienne : ne reproduisons pas le même type de spectacle !!!
Aux premières lectures du texte, la musique, les sons nous apparaissaient comme une évidence et nous avons pensé au groupe Mona Kazu qui après avoir lu le texte, démarrent avec nous l’aventure… Tom Pradelle, technicien son et lumière, fera parti également de notre équipe..
Mona KaZu, je les ai rencontrés au cours de concerts, mais surtout dans la lecture des Médusées du Gorgopolitis de Cédric Touzé… Une expérience vocale, des sons, qui m’ont transportée.
La musique de Mona Kazu oscille entre rock indé et electronica, pop sombre ou lumineuse, avec des sonorités aux accents coldwave. Ils seront sur scène avec la comédienne, et début septembre, nous démarrons les répétitions.
Comme au temps héroïques de Dario Fo ou du Groupe Octobre avec Jacques Prévert, c’est un spectacle à porter partout, jusqu’aux aux Restos du Cœur et chez les compagnons d’Emmaüs… Comme dans les théâtres.
La situation sanitaire actuelle nous a conduit à envisager des répétitions en plein air. La rue d’abord, décor naturel de la création, friche industrielle.
Le public parfois intercepté par le travail dans la rue, sera le bienvenu, pour échanger, partager.
De la rue au théâtre… C’est ainsi que nous envisageons le travail de cette création. Nous recherchons des temps de résidence aussi, dans les théâtres alentours !!!!
La première est prévue en octobre 2021, au théâtre de l’Atelier Bleu près d’Auxerre.
La Cie A l’envers de soi c’est aussi la pédagogie, la formation.
Un atelier danse contemporaine pour des impromptus dans la ville.
Riches d’un passé chorégraphique, nous nous attelons depuis 2019 à sortir la danse des schémas classiques que sont les théâtres…
C’est avec un immense plaisir que l’atelier se produira dès cet automne au gré des places… Et des rues.
Des moments dansés pour les passants, aux quatre coins de la ville de Montceau-les-Mines… Que chacun se laisse porter par la musique, le mouvement, des temps suspendus où chacun prendra ce dont il aura envie ou besoin.
Un atelier théâtre jeunes et adultes pour des projets de mises en scène en extérieur aussi, à la rencontre des publics… Toujours aller vers !
Et ce weekend 1er et 2 août , après la trêve Covid-19, nous nous retrouvons dans un gîte tout nouveau à Montceau-Les-Mines, avec un jardin extraordinaire qui tend les bras à la création…
Le thème abordé sera « Le banquet » non pas le Banquet de Platon… mais un banquet qui aurait lieu en 2021 en plein air… Un projet théâtre et danse contemporaine.
Et il y a le théâtre au collège et lycée
La Cie a démarré l’année dernière un projet autour du voyage pour 3 classes de 5ème, projet arrêté au 16 mars !
À la rentrée 2020, c’est 4 classes de 5ème qui reprendront le projet Embarquement immédiat.
Un projet avec le Lycée Haigneré… Nous embarquerons une classe dans la création d’une œuvre théâtrale.
Et pour finir l’atelier théâtre et handicap, où deux groupes de l’accueil de jour de Blanzy participent à des ateliers théâtre/danse une fois par mois.
Une compagnie de plus à Montceau, y’a-t-il la place ?
À vrai dire, je ne me suis pas posé la question !!!
Qu’est ce qu’il se passe à Montceau au niveau théâtre ou danse contemporaine ?
Il y a de la place pour les artistes à Montceau !!! Ayant une certaine connaissance du bassin minier en terme de culture, nous imaginons rassembler, travailler ensemble… Pour une culture de qualité, une culture pour tous.
Cherchez-vous une certaine professionnalisation ? Peut-on encore l’imaginer dans notre territoire pour une compagnie comme la vôtre ?
Chercher la professionnalisation, c’est se donner les moyens de travailler avec des intermittents du spectacle, comédiens, musiciens et techniciens, sans prétention mais avec des ambitions.
Infrastructures, Communication, diffusion, quels sont les challenges d’une compagnie de votre envergure ?
La Cie a un projet de lieu sur Montceau-les-Mines… Il est un peu prématuré d’en parler, mais nous y croyons !
Un collectif pour rassembler les savoirs-faire de la culture… Un lieu ouvert à tous, un lieu de partages et de rencontres…
Il nous faut des gens comme Odil qui fait partie de l’avenir culturel de la ville et d’ailleurs…
La Cie, c’est une équipe qui me suit depuis de nombreuses années : le CA avec sa présidente Virginie Héritier, Claire Bruneau Trésorière, Isabelle Bernard Secrétaire , Aline Foulon, Caterine Opiola et Céline Demaufaucon, Jean-François Damezin, Mylène Grand, chacune et chacun avec ses réseaux, ses connaissances … Une réelle équipe qui avance dans la même direction !!! La Cie souhaite aussi se faire connaître au-delà du département…
Le projet Soliloque d’une déclassée sera présenté à la Grande Affluence de janvier 2021, si nous trouvons deux parrainages (directeurs de salles qui souhaiteraient soutenir le projet)… Affluence c’est un réseau de 40 programmateurs de Bourgogne/Franche-Comté…
Benjamin Burtin, Juillet 2020