Tu préfères le son à l’écrit, le podcast est juste là.

J+1 : la raison flanche, les réseaux flambent, une saison blanche et sèche s’enclenche, avalanche, floraison, revanche à l’horizon.

Partout s’affichent les gueules de bois au matin d’espérances éthyliques. Moi, l’ivresse des grands soirs m’est inconnue, les lendemains ne chantent pas non plus. Là d’où je parle, la défaite se philosophe avant de refaire place à la lutte.
Clair qu’ici on ne vainc pas, et le péril on connait, on laisse la gloire des triomphes aux indécents puérils.
Mais la honte, ça non, on ne s’en couvre pas, même si le jet d’opprobre vous est olympique, nos consciences resteront limpides.
On ne la sait pas la gène de devoir mendier le renflouement de nos humiliations. On ne la sait pas la gène de tourner avec le vent, de faire barrage à l’extrême en dressant table au pourfendeur de ses mollesses.
On ne la sait pas non plus, la gène, de faire la leçon aux abstentionnistes, quand on a refusé l’occasion historique de porter haut d’imparfaits espoirs de justice sociale, humanistes et écologistes, uniquement pour perpétuer les petits arrangements d’appareils moribonds.
Mais cette gène, il semble bien que vous ne la connaissez pas non plus.

Et les injonctions se multiplient.

Vous nous souhaitez responsables, après nous avoir ris, après nous avoir méprisés, puisqu’incapables que nous sommes du cynisme dont vous faites preuve. Adultes, assumez maintenant !
Voyez vos enfants, sûrs d’une vie moins bonne que la vôtre, regardez-nous souffrir, entendez-nous suffoquer. Posez sur nous vos regards mielleux de condescendance émue, quand la police nous aura éborgnés, gazés, pour protéger un système auquel vous ne nous jugez essentiels, que confortablement confinés. Nous, infirmières, profs, livreurs. Mais aussi chômeurs, étudiants, allocataires, réfugiés, taulards, artistes, SDF, celles et ceux à qui vous avez, malgré ces dernières années riches d’enseignements, déclaré une guerre sociale sans précédent.

Vous nous l’avez sciemment déclaré, comme vous l’avez déclaré à nos enfants, à leur éducation, à leur capacité à se soigner, à leur espoir de connaître un monde écologiquement vivable et bien plus encore.
Vous vous en souviendrez quand vous subirez les retours de bâton de nos maigres forces désespérées. Ou peut-être vous en souviendrez-vous dans 20 ans quand vous craindrez les affres de la vieillesse, au lendemain d’une retraite toujours plus tardive et que vous ne trouverez plus d’hôpital accessible.

Votre syndrome de Stockholm ne vous sauvera pas, les gens pour qui vous votez vous tueront à petit feu.
Mais comptez sur nous pour rendre cette agonie douloureuse, par la honte que nous vous infligerons, quand vous sourirez aux voix de nos gosses encore insouciants de votre trahison. Leur avenir sacrifié sur l’autel de votre sentiment d’être du bon côté de la barricade.

Mais quand après avoir tout privatisé, puis tout détruit, vos maîtres partiront coloniser Mars, il n’y aura pas de place pour vous dans la fusée. Vous resterez là sur cette terre à l’atmosphère viciée, avec nous les pauvres affamés. Et pour survivre, car ça, on sait le faire : on vous mangera !

Benjamin Burtin, 12 avril 2022