Dans la nuit du 7 au 8 janvier 2023, un incendie détruisait le local de La Mère en Gueule, emportant de ce fait, les costumes, les archives, le matériel patiemment recueillis par l’association montcellienne. Mais la MEG est bien plus qu’une troupe de chant, la MEG c’est un maillon essentiel dans la conservation de l’histoire sociale du bassin minier, et au delà du coup porté à la motivation des adhérents, c’est un coût douloureux pour les sympathisants, les passionnés et toutes celles et ceux pour qui la mémoire des luttes est essentielle à un futur du territoire.
Il a fallu quelques mois pour redresser la tête, en fonction des capacités de réaction de chacun, mais il n’a jamais été question que tout s’écroule pour autant. La Mère en Gueule allait se relever avec pour objectif le 3 juin 2023, un journée de collecte, d’atelier et de chansons, sous le signe du partage et de la solidarité.
À l’approche de cet événement, La Mère en Gueule a souhaité travailler avec ODiL pour sa mise en forme, mais aussi pour produire un travail de mémoire sur l’association elle-même, rétablir les bases pour envisager un nouveau départ. Nous sommes donc ravis et honorés de la confiance qui nous a été accordée, et fiers de vous présenter une série en 4 épisodes qui revient sur l’histoire de La MEG depuis 25 ans. On y croise la parole de Christian, Giselle, Françoise, Didier, Samuel, toutes et tous, à leur manière, ont façonné La Mère en Gueule, lui ont donné vie, l’ont fait rayonné sur le bassin minier comme ailleurs.
Donner voix au passé est une chose, mais La Mère en Gueule tient à voir devant et ne compte pas être pompeïsée par le drame de janvier. Alors on a posé quelques questions à Jean-Paul Bonin, actuel président et Martine Boguet, la trésorière.
Que reste-t-il de cette journée du 3 juin ?
Martine : ça nous a boostés, on a pu voir comment le gens nous considéraient.
Jean-Paul : Il faut se méfier des coups de flammes…
Martine : Bah…
Jean-Paul : Bon c’est vrai qu’il est passé beaucoup de monde…
Martine : Et puis ça a resserré les troupes. Tout le monde a été impliqué, a mis la main à la pâte… Et c’est avec un grand plaisir qu’on a recroisé les anciens, chacun est venu avec plaisir et aussi avec des idées. Il y a des choses dites ce jour là qui m’ont fait tilter, bien sûr qu’on restera sur le patrimoine montcellien mais avec tout ça on peut avancer.
Comment La Mère en Gueule peut-elle garder aujourd’hui un propos pertinent, politique et pas n’être que du folklore qui alimente la nostalgie ?
Jean-Paul : On veut relancer les gazettes, des lectures pédagogiques dans les écoles, diversifier le groupe chant en accueillant d’autres personnes, reconstruire un répertoire.
Martine : On pourrait reprendre des chansons plus modernes, engagées. Les violences policières, les migrants qui meurent en mer sous le regard indifférents de beaucoup, les parallèles entre les luttes passés et présentés peuvent être nombreux.
Jean-Paul : Aller chanter pour des trucs un peu trop officiels nous discréditerait, je pense.
D’après vous, les gens attendent de vous, d’être bercés ou secoués ?
Martine : D’être secoués, il y a bien d’autres chorale pour les bercer. On pourrait retourner chanter dans la rue, en manifestation…
C’est possible avec 20 ans de plus ça ?
Jean-Paul : Moi je suis prêt à y retourner.
Martine : Moi aussi, c’est dans mon caractère.
Que proposeriez-vous aux personnes qui voudraient vous rejoindre ?
Martine : Les répertoires, mais aussi les décors, les costumes, il faut tout reconstruire. Donc on accueille toutes les bonnes volontés, les musiciens comme les couturières, les menuisières ou les chanteurs. Tout le monde peut trouver sa place, d’autant que nous avons aussi fait évoluer le conseil d’administration pour que chacun puisse donner son avis. C’est très démocratique et chaque idée est étudiée.
Jean-Paul : C’est quand les gens viendront que les choses bougeront, on a besoin de cet apport extérieur. On a des acquis et aussi ce qu’on représente, mais on est prêt à évoluer grâce aux nouveaux.
Martine : On va se relever et s’ils veulent nous rejoindre, ça ira plus vite.
La Mère en Gueule n’est pas morte loin de là, elle est prête à sortir du puits à nouveau, malgré les années qui passent et les difficultés inhérentes au monde associatif de 2023.
Chez ODiL, on se sent quelque part en filiation, nous n’avons pas les mêmes outils, les mêmes méthodes, mais nous partageons avec cette association historique du bassin minier, des valeurs et la certitude que de la connaissance du passé, on construit l’avenir, entre enthousiasme et indignation. Surtout quand le passé est sacrément « badass » 😉✊
Benjamin Burtin, Juin 2023